Innovation…
Comment déclencher le mouvement…et entretenir la forme…
On ne développe pas sa capacité d’innovation comme on réorganise sa logistique ou son réseau commercial. Réorganiser le processus de développement des produits peut être un gage de qualité ou de rapidité, mais certainement pas d’innovation. Par ailleurs, miser son avenir sur un produit aussi innovant soit-il est dangereux. Il peut toujours être copié ou dépassé par un concurrent plus innovant. C’est donc la capacité d’innover qu’il s’agit de développer, comme le sportif professionnel entretien sa forme.
La capacité d’innovation d’une entreprise touche au cœur même de sa culture, des valeurs et des comportements. Elle coïncide le plus souvent avec un parti pris de remise en cause et même de rupture par rapport aux critères établis.Elle procède peu des formes organisationnelles installées.
Le point de départ d’une transformation de l’entreprise vers plus d’innovation n’est donc certainement pas l’affirmation solennelle par le dirigeant de sa nouvelle volonté d’innover. Outre que le dirigeant (sauf quand il est nouveau) est l’incarnation du système traditionnel, l’affirmation nouvelle d’une exigence d’innovation tombe le plus souvent dans le piège de l’injonction paradoxale (Obéissez…Soyez créatifs !/Désobéissez…Je le veux…) sans autre effet qu’un peu plus de stress sur ceux qui cherchent à s’y soumettre.
Lorsque la situation de l’entreprise et la réelle volonté du dirigeant justifient une réelle évolution de l’entreprise, une question se pose alors :
Quelle serait la première chose à faire si je veux rendre mon entreprise innovante ? Quel doit être le premier pas de sensibilisation et de découverte, le déclencheur de nouvelles énergies vers plus d’innovation?…
Les cultures, les stratégies, les ambitions, les métiers, sont tellement divers qu’un chef d’entreprise qui veut rendre son entreprise innovante ne peut trouver de méthode générale pour engager une démarche visant à rendre son entreprise plus innovante.
De plus il fait lui-même partie du problème, s’il est en place depuis longtemps…
Pour démarrer, il n’y donc pas de réponse unique et encore moins de recettes à copier sur les entreprises citées en modèle et qui remplissent la « Vie des Saints » de cette nouvelle religion.
Une première remarque tout d’abord : il ne suffit pas d’équiper une entreprise avec les outils de l’innovation pour la rendre innovante. Les méthodes de créativité ne sont efficaces qu’à partir d’une réelle volonté préalablement vécue de résoudre un problème ou de chercher des voies nouvelles. Les Chartes et Comités d’innovation, par ailleurs indispensables pour canaliser idées et projets ou maîtriser les risques, sont de peu d’utilité pour générer l’innovation.
La capacité d’innovation ne procède que de l’initiative et de l’action qui seules peuvent changer la réalité, donc les perceptions. Qu’elle soit incrémentale ou de rupture, elle nait chez certains types d’individus mis dans certaines situations qui les incitent à remettre en cause l’existant : L’idée initiale balbutie (incube), acquiert un statut (percole) dans l’entreprise, elle s’établit ensuite comme règle lorsqu’un consensus se dégage sur son intérêt prouvé par l’action et les résultats.
Puisqu’elle est par nature une remise en cause, l’innovation n’est pas programmable dans les formes établies. Dans un environnement complexe et en perpétuelle transformation, la rationalité stratégique (objectifs d’innovation) et organisationnelle (structure et processus) n’est plus suffisante pour créer une entreprise innovante.
Puisque l’entreprise doit développer sa capacité d’adaptation et trouver en permanence des solutions nouvelles aux problèmes nouveaux qui se posent et anticiper ceux qui se poseront, il s’agit essentiellement de mettre en place une culture du mouvement .
Le premier pas doit donc être trouvé parmi les ruptures possibles susceptibles de créer une première « fissure » significative vers la suppression des freins et la libération des énergies.
L’action peut porter notamment sur les conditions critiques suivantes:
- La diversité et le statut des profils critiques (au-delà des compétences disponibles)
- Ex : un recrutement de culture différente, un profil marketing positionné en R&D, une séparation marketing stratégique et marketing opérationnel, etc.
- Les comportements de l’équipe dirigeante (au-delà du discours sur l’innovation)
- Ex : attitude face au risque, une écoute différente, de nouveaux critères d’allocations de ressources, etc.
- Les perceptions de la réalité (interprétation des faits et des chiffres)
- Ex : de nouvelles analyses sur les risques et opportunités (client, marchés, environnement), développer la culture économique dans le management intermédiaire, etc.
- Les conditions de la transversalité (modes de communication et de collaboration)
- Ex : ajustements de structure, langages communs, outils collaboratifs, etc.
- Les valeurs et les concepts dynamiques généralisés progressivement dans les pratiques:
- Ex :
- enjeux : transcendent les fonctions
- valeur ajoutée : la contribution des personnes plus que leur statut
- initiative : les « délinquances constructives » mises en valeur (réussites comme échecs)
- action : qui seule change la réalité (plus que les objectifs…)
- exigence : comme outil d’efficacité
- Ex :
C’est dans ces divers domaines qu’il faut chercher les déclencheurs et les actions d’accompagnement d’une transformation progressive du système humain de l’entreprise en collectivité innovante.
Le modèle d’organisation innovante n’est plus une « FORME », mais une dynamique de « FORCES » en mouvement, entraînées à la dialectique permanente entre le possible et le souhaitable, la rupture et la continuité, le risque et la sécurité, l’exploration et l’exploitation.
Quand la capacité d’adaptation par l’innovation devient progressivement un processus banal et quotidien, l’entreprise acquiert une protection intangible.
François Dert
Février 2015
Leave a reply