« Souriez, demain sera pire… »
En matière de stratégie et d’innovation, les opportunités des uns sont les menaces des autres…Ainsi, beaucoup de gens travaillent aujourd’hui activement à réaliser ce qui peut détruire demain votre entreprise…
Vos opportunités sont, elles aussi, très nombreuses, mais elles ne s’imposent pas naturellement. Elles sont difficiles à identifier et à qualifier pour votre stratégie.
La probabilité du pire est donc plus évidente que les chances de mettre la main sur les projets les plus intéressants…
L’efficacité d’aujourd’hui est la conséquence des choix et actions de progrès réalisés hier, sur toutes les composantes qui constituent le business model (cibles de clientèles, offre, processus, ressources, relations, etc.)
C’est donc aujourd’hui que se joue déjà la pérennité de l’entreprise:
- Se préparer aujourd’hui au pire, car quand la menace se manifeste plus concrètement il est souvent trop tard
- Rechercher aujourd’hui les opportunités et savoir choisir les meilleures…C’est le plus difficile, car les ressources sont limitées.
L’ approche par une révision systématique de toutes les composantes du business model présente 3 avantages:
1. Un repère pour anticiper menaces et opportunités
- Quel serait l’impact sur les diverses composantes de notre modèle d’une intégration vers l’aval des principaux fournisseurs agricoles ? (Transformation-Commercialisation de produits bio )
- L’évolution des coûts de l’énergie menace-t-elle mon modèle économique ? (Fabrication de produits surgelés en vente directe à domicile)
- Devons-nous nous préparer face à la menace de nouveaux entrants puissants ? (Marché de niche très rémunérateur encore peu concentré)
- Que devient notre activité face à l’émergence d’équipementiers indiens lowcost (équipements médicaux) ?
Nouveaux entrants, technologie, évolution des rapports de force dans la chaîne de valeur, évolution des besoins, nouvelle contraintes réglementaires, etc. Ces questions classiques des menaces et opportunités sont basiques chez tous ceux qui réfléchissent à leur stratégie.
Mais dans un monde plus complexe et qui change rapidement, la prévision et la planification perdent leur intérêt. De même, les stratégies de positionnement fondées sur des objectifs de parts de marché ont de moins en moins de pertinence. Quand les règles du jeu changent, la meilleure assurance pour le futur de l’entreprise est d’être flexible dans ses choix, et réactive dans ses processus qui sont au cœur du modèle de différenciation et d’efficacité.
Cette évolution justifie de systématiser un type de questionnement plus pragmatique, basé sur tous les ressorts et ressources de l’entreprise, et imaginant de façon créative ce qu’elle pourrait en faire (principe d’ « effectuation »).
Tout exercice de planification (plan 3 ans glissant ou non) est donc illusoire s’il n’est pas précédé au moins chaque année par un exercice de re-questionnement systématique et créatif : confronter chaque composante du business model aux menaces et opportunités identifiées (« stress test », recherche d’axes de rupture).
2. Une façon plus riche d’aborder l’innovation
- Et si on créait des communautés de nos clients professionnels qui interagiraient entre eux ?
- Et si on supprimait la prise de commande, le fuel continuant de nous appartenir tant qu’il n’est pas consommé ?
- Et si on inventait un équipement innovant facilitant la consommation de notre produit, et que l’on donnerait en licence gratuite à des fabricants bien choisis ?
- Et si au lieu de faire de la publicité, on créait un média spécialisé de référence pour tous les professionnels concernés par nos produits ?
- Et si nous re-concentrions notre logistique sur un réseau de distributeurs locaux exclusifs ?
- Et si nous proposions à un fabricant de composants complémentaires du nôtre d’offrir ensemble à notre client commun intégrateur une solution intégrée moins coûteuse ?
L’approche traditionnelle de l’innovation porte le plus souvent sur l’offre produit (évoluant depuis peu vers l’offre « solution »). Or la puissance de l’offre, et donc la réussite économique, ne sont que l’émergence d’un système complexe qui englobe autant les choix de clientèle, l’efficacité des processus internes et avec l’environnement, les ressources clés internes et externes mises en œuvre.
On peut être copié sur son offre, même innovante. On peut plus difficilement être copié sur l’efficacité interne des processus et sur l’originalité des relations avec les clients ou avec des partenaires. Sur toutes ces dimensions, l’entreprise doit donc rechercher non seulement à se renforcer, mais surtout à construire une différenciation.
Si la méthode « blue ocean » a beaucoup apporté à l’approche des stratégies d’offre, l’approche de l’innovation qui considère toutes les composantes du business model et notamment les processus, est d’emblée plus ouverte et plus riche.
3. Un cadre pour choisir les meilleurs projets
- Devons-nous investir dans notre usine, ou racheter ce concurrent en difficulté qui a des surcapacités ?
- Cette nouvelle technologie a-t-elle du sens pour notre stratégie, alors qu’elle risque de cannibaliser partiellement notre offre actuelle ?
- Lequel choisir de ces nouveaux produits que nous pourrions fabriquer facilement mais qui s’adressent à des segments de clientèles très différentes de la nôtre ?
La volonté affirmée des entreprises les plus dynamiques de préparer l’avenir par des projets nouveaux conduit à investir aujourd’hui techniquement et commercialement sur des expériences et des projets coûteux de différents points de vue (investissement, motivation des hommes…).
Face à la multiplication des projets éventuels, se manifeste aujourd’hui dans les entreprises les plus dynamiques un nouveau besoin de repères pour donner du sens tant à l’exploration qu’à la sélection des projets de préparation du futur.
- En quoi les terrains de croissance envisagés pourront-ils renforcer le modèle ?
- Sur quels terrains nos forces actuelles peuvent-elles faire la différence ?
- A quelle menace le projet nous permet-il de répondre ?
- Quels autres projets pourraient constituer des alternatives ?
- Quelles autres composantes du business model sont-elles impactées par le projet ?
Les concepts stratégiques classiques restent utiles s’ils ne restent pas théoriques et s’ils prennent un sens « maison »
- Terrains (sanctuaire, adjacences)
- Forces motrices de l’environnement économique, génératrices de menaces et d’opportunités (au sens de Porter)
- Armes de compétitivité (Puissance de l’Offre, Excellence Commerciale, Avantage Coûts)
Mais l’approche par le business model fournit un référentiel plus complet permettant d’interpréter signaux forts ou faibles de l’environnement, d’évaluer toutes les initiatives ou opportunités qui se présentent,
Une révision systématique (annuelle) du business model, impliquant les principaux responsables des services présente en plus l’avantage d’expliciter concrètement la stratégie et d’aligner les énergies par le sens.
François Dert
Mars 2015
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